Savitri à Chalon-sur-Saône
Journal de bord II, semaine du 17 février.
Chalon sur Saône, L’Abattoir.
J’arrive un dimanche soir dans la nuit.
Impression d’un lieu endormi où j’ai pourtant toute une charge de souvenirs estivaux avec du monde qui grouille de partout.
Penda arrive lundi en tout début d’apm. Je prends le temps de replonger dans mon carnet et d’arpenter et de retrouver le territoire Chalonnais. Je croise l’équipe qui se remet d’un weekend chargé avec l’accueil d’un concert.
Le soleil est là pour accueillir Penda sur le quai de la gare. J’aime les rituels et celui de la retrouver à la descente de son train m’enthousiasme.
Nous avons un rdv avec Artcena tout de suite en arrivant. Nous racontons à Zélie où nous en sommes. Elle nous rappelle le cadre : il faut cultiver la rencontre et l’idée de recherche. Ce dispositif est un pas de deux où chacun s’invite à faire un pas de côté dans l’univers de l’autre.
Nous partons du bon pied : nous chaussons nos baskets et rentrons dans notre deuxième rituel de résidence : la randonnée du lundi apm avec une expédition sur les bords de la Saône de 12 km. Aristote cherchait l’inspiration en marchant tous les jours. La légende raconte qu’il donnait ses cours en se baladant. J’aime bien cette image-là. Le dispositif Tandem est similaire : une invitation à une grande marche dans les villes que nous traversons pour questionner nos pratiques.
On regarde le paysage et les lieux comme un espace de projection possible de la maquette au mois de juillet. Comment allons-nous nous y prendre cette semaine ? Devons-nous trouver le lieu de représentation tout de suite ? Nous évacuons la question. Ce qui nous intéresse à ce stade de notre rencontre, c’est de fouiller l’écriture.
Notre semaine de résidence sera comme un drôle de papillonnage où nous aurons du mal à nous centrer et nous ancrer pleinement dans le travail ; La météo froide nous fige, l’état du monde à ce moment-là nous effraie, je traîne une mauvaise angine, Penda est préoccupée. Alors, nous butinons et attrapons les jolis moments qui nous sont offerts :
L’après-midi ensoleillée où nous avons regardé la Saône et en imaginant une rencontre publique pendant le Festival. Nous serions sur une barque et nous arriverions du large. On nous entend discuter de notre collaboration.
La salle du Cnarep où nous avons détricoté tout le conte pour révéler les forces et faiblesses des personnages.
Le matin dans la rue principale où nous avons projeté Savitri à la fenêtre d’une maison bourgeoise.
Le café partagé avec toute l’équipe du Cnarep pour raconter où nous en sommes et la projection tâtonnante de la rencontre pendant le festival.
La réflexion autour d’une pâtisserie sur la question de l’élan d’aller à la rencontre de l’autre dans la ville. On trouve une étude intéressante sur la manière d’explorer l’intime et l’extime dans l’espace public.
Le soir où Penda me lit un extrait de l’auteur Océan actuellement en résidence à La Chartreuse et qui nous touche avec son livre Dans la cage, une autobiographie socio-pornographique, un essai sur les fantasmes. Cela nous offre une belle conversation sur ce qui se raconte rarement au théâtre.
Le moment où nous rencontrons les lycéens et que je raconte Savitri dans une salle circulaire avec des fenêtres qui nous projettent vers l’extérieur. L’écoute active et profonde me confirme, me donne la confiance d’oser improviser nos réflexions croisées dans l’histoire.
La balade dans la ville où Penda choisi un emplacement sur un banc face à un grand immeuble gris pour que je lui raconte l’histoire in situ. Sa découverte de la porosité avec le vivant qui contamine le récit.
La rencontre avec l’équipe de la Scène Nationale et la visite des lieux. La fascination devant l’immense vue sur toute la ville depuis le dernier étage. La question de la nécessité du paysage commence à apparaître centrale pour l’idée de la maquette en juillet.
L’atelier d’écriture entre nous deux où nous avons partagé de nouveaux espaces intimes en résonance avec notre sujet : Pendant 30 minutes, écrire une liste de tous les lits où nous avons dormi et qui nous ont laissés une empreinte.
L’atelier d’écriture avec les lycéens où Penda les a invités à écrire un dialogue théâtral. Ce jeune qui ne disait rien jusque-là et qui avait un visage fermé. Découvrir un texte simple, doux et percutant. Les jeunes se racontent intimement entre les lignes.
L’escale à Dijon où nous nous sommes promenés dans le centre dans les pas des souvenirs d’enfance de Penda. Elle y retourne dans quelques jours pour présenter Piste.
Notre au revoir gare de Lyon. On se retrouve à La Chartreuse d’Avignon en avril. Est-ce que je serai sur le quai de la gare pour accueillir Penda ? Peut-être que cette fois, ce sera-t-elle qui m’attendra…?