Savitri à l'Espace des Arts de Chalon
Suivre les signes.
Traversée de la France sans encombre.
Quand la SNCF fonctionne, c’est presque magique.
Arrivée pile à l’heure, pour retrouver brièvement la classe du lycée et échanger après notre rencontre de février.
Je rassemble mes idées face au groupe d’élèves.
Quel chemin parcouru depuis la dernière fois ?
Je leur parle en vrac de notre travail à la Chartreuse d’Avignon :
la question de l’émancipation,
celle de trouver sa place,
de quitter l’enfance pour s’aventurer dans le monde adulte.
Je leur parle de cette fenêtre de classe qui s’ouvre sur un paysage,
de nos fenêtres intimes à nous, qui laissent entrer le parfum du désir de liberté et d’ailleurs.
Certains regards s’éveillent, s’allument. D’autres restent éteints.
Je leur donne rendez-vous, pour ceux qui le souhaitent : mercredi après-midi, presqu’île de Chavannes pour une plongée dans nos recherches en cours avec Penda :
Comment se laisser embarquer par le paysage ?
Comment lui appartenir ?
Peut-être les enregistrer, pour les faire entrer dans notre bande-son.
Penda n’est pas encore arrivée. Elle arrive de loin.
Alors j’improvise un petit jeu d’écriture avec les élèves, à partir du paysage visible depuis la fenêtre. Nous faisons émerger des haïkus. Les émotions débordent, mais les mots manquent. Trop intimes, trop flous, trop violents parfois. Ils et elles cherchent les mots justes, sans oser vraiment les dire. Il faut apprivoiser cette langue de l’intérieur. Pourtant, à travers les haïkus, une faille s’ouvre. Petite. Précieuse.
Pauline, des relations publiques, me ramène au théâtre. Tourbillon de salutations.
Je repars avec Elsa, chargée de l’accueil des artistes.
Elle m’emmène jusqu’à notre logement : un belvédère au-dessus du théâtre. Vue à 360° sur tout Chalon. Les grandes baies vitrées donnent le vertige.
Je ne peux pas encore m’en approcher pleinement… mais le paysage m’aspire déjà.
Un signe.
Je pose mes bagages et file retrouver Penda à la sortie de son train.
Il est à l’heure lui aussi. Magie des retrouvailles.
Depuis la résidence à la Chartreuse d’Avignon, un rituel est né : chaque jour, une photo derrière une fenêtre, accompagnée d’une pensée.
Un fil tendu entre nous.
J’aime cette complicité devenue naturelle.
Le travail s’enclenche.
Nos marches quotidiennes reprennent.
Sur Google Maps, nous avions repéré un lieu pour la restitution de juillet.
Il est là, devant nous. Concret.
Et nous ne sommes pas déçu·es.
Nous affirmons notre choix :
c’est ici que le public sera accueilli.
Ici que le paysage deviendra scène.
Point de vue sur la ville, déclaration d’intention : s’inscrire pleinement dans un territoire.
On ne perd plus de temps.
Il est redevenu précieux.
La période de tâtonnements est derrière nous.
Nous avons des objectifs clairs.
Nous découvrons en nous une efficacité nouvelle,
presque mécanique.
Nous décortiquons, analysons, partageons.
Nos univers se confrontent, se tressent.
Quatre mains en action pour une seule vision.
Le 18 juillet, une forme artistique devra naître.
Avec un dispositif.
Une intention.
Une posture.
De la matière.
Suivre les signes.
Nous nous installons dans le lieu.
Les adolescents ne viendront finalement pas ce mercredi après-midi.
Alors, nous nous couchons sur l’herbe encore humide.
Nous nous donnons une contrainte d’écriture, un temps précis.
Nous nous laissons happer par l’instant.
Et hop !
Nous partageons.
Nous trions.
Nous gardons ce qui résonne.
Le plaisir est là :
celui de faire naître des images communes.
Nous écrivons ce que le paysage nous inspire.
Nous projetons une Savitri vivant dans l’une des tours dominant la presqu’île.
Je convoque mon adolescence.
Nous la confrontons.
Des cartographies apparaissent.
Il y a :
- Savitri,
- Satyavan,
- Savitri adolescente, Savitri femme,
- Garance et Dimitri, le couple de circassiens,
- Le duo qui incarnerait Savitri et Satyavan,
- Le couple réel, qui offrirait un bout de lui-même,
- Olivier adulte,
- Olivier adolescent,
- La fiction,
- La réalité,
- Le paysage,
- Les grues,
- L’eau,
- Le temps réel,
- Le temps suspendu, calqué sur le présent.
Il y a les signes.
Et il y a des choix à faire.
Le soir, nous nous posons face à la ville.
Nous retraçons nos pas du jour, à travers nos regards.
Et nous nous projetons vers la création à venir, celle de l’été 2027.
Le paysage nous guide.
Le paysage nous murmure ce que nous pouvons déjà offrir, dès l’été 2025.